Sur le Grande site dunaire Gâvres-Quiberon comme ailleurs sur le littoral français, des milliers de pêcheurs à pied arpentent ces sites émergeant des eaux marines et offrant de nombreuses ressources, mais à quel prix pour le milieu? Les techniques de pêche sont aussi diversifiées que les espèces récoltées à marée basse par les novices et plus expérimentés d’entre nous. Seulement, toutes ne sont pas recommandées, et surtout, certaines sont même interdites car jugées destructrices pour l’environnement exploité. Râteaux, crocs, griffes ou bien cuillères : quels sont les outils qui sont les plus « sains » pour l’environnement et quels sont ceux à éviter, et pourquoi? Nous allons voir ça ensemble.
L’estran, une multitude de milieux
Tout d’abord, qu’est-ce qu’un estran? Si vous ne connaissez pas ce terme, vous avez peut-être entendu parler de ses synonymes : zone de marnage, zone intertidale, zone de balancement des marées ou encore batture. L’un d’eux l’explique très bien, c’est en effet la partie du littoral qui subit quotidiennement le passage des vagues, de la marée. C’est un très vaste espace où se découvrent parfois plusieurs centaines de mètre du haut de la plage à l’infralittoral, étage inférieur à celui de l’estran. Mais surtout, l’estran français est vaste de par ses 5500 kilomètres de côtes, et ce , seulement métropolitaines. Cela comprend donc de par leur nature géologique et/ou géographique de très nombreux écosystèmes ! Ce qu’on appelle une plage est un estran sableux pour la plupart, mais il existe également des estrans rocheux, vaseux, sablo-vaseux, sablo-rocheux, abrité ou exposé…



Cette diversité d’écosystèmes comprend donc une formidable biodiversité… dont les fruits de mer que nous ramassons et consommons. Observez bien le milieu sur lequel vous allez pêcher, car tous n’abritent pas les mêmes espèces, bien entendu. La preuve est qu’entre un estran abrité et exposé, bien que la nature du sol puisse être la même, vous n’aurez pas nécessairement les mêmes espèces, comme vous retrouverez la telline au sud de Gâvres (représentant la façade Atlantique) mais pas au nord, autre milieu séparé par un frêle cordon dunaire et qui forme la Petite Mer de Gâvres, offrant de nombreux milieux abrités. Cette différence de biodiversité se résume aux préférences de la telline qui privilégiera un milieu où l’hydrodynamisme est plus fort, bénéficiant ainsi d’une bonne oxygénation.

Des milieux exigeants
Ces nombreux écosystèmes abritent des milliers d’espèces qui font face à un problème commun : la marée descendante. Lorsque la mer est haute, tout va pour le mieux, mais lorsqu’elle se retire, tout se chamboule : ils doivent résister à la dessiccation, au changement de salinité (s’il vient à pleuvoir), à un changement brutal de température…
Ces milieux, sans aller vers les extrêmes, sont parmi les plus fluctuants et sont pourtant un formidable réservoir de biodiversité. Néanmoins, les activités anthropiques, dont celles de la pêche à pied, impactent ces écosystèmes et peuvent entraîner des dommages sur du plus ou moins long terme. Lorsqu’un estran se retrouve tel un désert pendant plusieurs heures, une roche ou un tas d’algues sont perçus comme un oasis, une cachette offrant à la fois de l’ombre et de l’humidité, tout ce qu’il faut pour résister à la marée basse. Ceux qui ne peuvent pas déplacer, ou difficilement, sont obligés de subir les effets du soleil, mais s’y sont adaptés (exemple : les balanes stockent de l’eau en elles, à l’instar des anémones, des bigorneaux…). Retourner les rochers ou arracher les algues revient à priver des dizaines -voire des centaines- d’individus d’une cachette parfois vitale pour eux.


Ces outils ont un impact
Râteaux, crocs, fourches, voire binettes… ça pourrait être l’inventaire d’un abri de jardin mais c’est également une partie de l’artillerie de nombreux pêcheurs à pied. Suivant le site sur lequel vous vous trouvez, notamment la région, la réglementation peut changer: vous serez autorisé (ou non) à utiliser un outil si celui-ci respecte les normes imposées. Vous ne pouvez donc pas utiliser de râteaux de plus de 35 centimètres de large, de crocs avec des dents de plus de 10 centimètres, etc…
Ces réglementations sont là pour limiter l’impact qu’ont ces outils sur l’estran, car si les maux associés sont méconnus, ils peuvent être bien visibles sur le terrain.

Si certains réussissent à récolter une bonne pêche avec ces outils, ils laissent néanmoins des cicatrices qui impactent la faune, la flore… et l’Homme. Un trou comme ci-dessus peut, pour les pêcheurs remontant avec la marée les pieds dans l’eau, être un piège invisible les faisant chuter dans l’eau. Pour la faune, c’est un autre problème: la pédofaune (faune du sol, comme les vers) est mise au grand jour dans un trou qui chauffera plus ou moins en fonction de la météo. Aussi ,l’oxygène présent dans le sol peut s’échapper et créer une zone anoxique (pauvre en oxygène). Pour la faune présente à même le sol (bigorneaux, gibbules, spirorbes…), la vase ou le sable raclé et entreposé sur le côté du trou peut la recouvrir et l’asphyxier sans chance de fuite.
La cuillère, solution miracle à tous les soucis (?)
Non pas retrouvée dans l’abri de jardin mais dans le tiroir de la cuisine, la cuillère est un outil connu depuis très longtemps par certains pêcheurs à pied. Bien que son utilisation soit bien moins impactante pour le milieu, elle doit se manier d’une certaine manière, car si son utilisation est encouragée, racler le sol avec à la manière d’un pot de glace n’est pas la bonne façon de faire.

Connue pour être respectueuse du milieu exploité, elle n’est cependant pas si simple que ça à utiliser. Où creuser? Quoi chercher? Voilà des questions à se poser avant de s’aventurer sur l’estran.
Tel un détective sur la plage
Utiliser la cuillère en pêche, c’est connaître son milieu et ce qu’on ramasse. Pour qu’un bivalve fouisseur puisse respirer sous le substrat, il utilise ce qu’on appelle des siphons. Au nombre de deux, il y a l’inhalateur et l’exhalateur. Le premier sert principalement à capter sa nourriture, les gamètes du partenaire et le dioxygène dissous dans l’eau. Le second, lui, va rejeter ce qu’il n’a pas consommé, ses fèces, ses gamètes, etc…

Ce qui est pour le mollusque une connexion avec son environnement extérieur et qui lui est vital laisse malheureusement pour lui un indice de sa présence. À marée basse, ce qui ressemble à deux petits trous côte à côte peut être la preuve que sous le substrat se trouve un mollusque, ou bien autre chose. À bien y regarder, on retrouve des petits trous par ci par là, mais isolé et souvent seuls. Cela peut être celui d’un ver ou même d’une petite anémone. Là où les grands outils grattent et creusent un peu au hasard, la cuillère vise le coquillage lorsque le trou a bien été identifié.




Si vous avez raté alors que deux trous se trouvaient sous vos yeux, alors c’était peut-être une palourde, car ses siphons de quelques centimètres lui permettent de se trouver un peu à l’écart des indices qu’elle a laissé. Comme l’illustration présentée ci-dessus, les siphons des coques sont courts, ce qui l’oblige à être proche de la surface et facilite son ramassage à celui de la palourde.

Enfin, une autre façon de repérer les coquillages est la « pissée », un jet d’eau -plus ou moins puissant- expulsé par les coquillages lorsqu’ils se referment, nous sentant approcher grâce aux vibrations de nos pas. Cela peut arriver à côté de nous comme à quelques dizaines de mètres plus loin ! De ceux qui le font, nous avons par exemple la palourde, la coque, la praire, le pétoncle mais aussi des espèces ciblées pour servir d’appât comme la mye et la lutraire, vivant néanmoins plus profondément dans le substrat.
La cuillère comme outil pédagogique
La cuillère, comme peut l’être l’épuisette et le seau, est un bon moyen de découvrir et mieux connaître ele sable et la vase que nous foulons pour aller nous baigner. Bien sûr, même si l’outil peut paraître bien petit face à un croc, son impact n’est pas inexistant. Chaque trou formé, avec ou sans coquillage au bout, doit être rebouché par ce qui a été retiré car même à petite dose, quelques grammes de vase peuvent recouvrir et piéger de nombreux petits animaux !
Lors des vacances scolaires, l’Observatoire du Plancton propose quelques sorties de découverte de cette pêche à pied « douce », comme on aime l’appeler. Des réglettes sont également distribuées gratuitement dans certaines mairies, offices du tourisme et bien sûr, directement dans nos locaux, à Port-Louis.

Renseignez-vous avant d’aller pêcher sur la qualité de l’eau, la météo, les marées et sur les spécificités du site visé, certains peuvent être limités voire interdits à la pêche à pied (comme les sables blancs de la baie de Quiberon). Pour en apprendre plus, cliquez sur nos derniers articles abordant les différentes thématiques de pêche à pied :
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