Que vous ayez un jardin ou une terrasse, le Plancton a de grandes chances de s’y trouver. Dans une mare, un seau d’eau croupissant dans un coin ou même une flaque d’eau, le Plancton a eu largement le temps de s’installer. Vous n’allez peut-être pas trouver la même diversité que dans une goutte d’eau marine mais vous pourrez tout de même découvrir de curieuses espèces animales et végétales. Malgré cette diversité à observer, une question se pose : Comment est-elle arrivée là, et comment survit-elle ? La flaque ici ne s’y trouvait pas l’été dernier. Plusieurs raisons nous l’expliquent, toutes plus ou moins surprenantes.
L’apparition des milieux temporaires
Avant que le Plancton et le reste de la biodiversité n’apparaissent, intéressons-nous tout d’abord aux milieux aquatiques dits temporaires. D’origine humaine ou naturelle, ce genre d’écosystème se définit par sa disparition plus ou moins complète au cours de l’année. Il peut subsister plusieurs mois, comme une mare forestière, avant qu’elle ne s’assèche aux beaux jours et ne soit abondamment consommer par la flore environnante. Nous avons également les flaques, durant quelques semaines à seulement quelques jours, voire moins encore. D’autres milieux aquatiques temporaires existent, fermés, comme les exemples donnés, ou ouverts, comme les petits ruisseaux se formant après une pluie ou une fonte de glace. Ce sont tous des milieux particuliers qui, au premier regard, ne laissent pas deviner que faune et flore puissent s’y installer durablement, et pourtant…
En dehors de la disparition de leur habitat, la faible teneur en dioxygène dissous dans l’eau, la possible accumulation de polluants ou encore l’augmentation de la température pourraient être également vues comme des facteurs limitants. Mais cette biodiversité s’y est accoutumée.
La star des flaques
Elle n’est pas connue de tous, mais les curieux et amateurs de sciences peuvent la reconnaître : c’est la daphnie.
Petit crustacé d’à peine quelques millimètres, nous la retrouvons dans les plans d’eau calme : mares, lacs, étangs, flaques… Parfois trouvées par centaines dans des milieux temporaires, on peut se demander par quels moyens elles y sont arrivées, comme dans ce chemin inondé.
Évidemment, elles n’y sont pas arrivées par magie, mais par des moyens plus ou moins étonnants. Si en amont de ce trou d’eau temporaire se trouve une mare ou un étang, il se peut que la pluie ait créé un débordement puis un ruissellement, acheminant faune et flore jusqu’à ce nouvel habitat. Ou encore, un autre transport plus commun qu’on ne le pense : la zoochorie. Un nom bien peu commun traduisant tout transport d’œufs ou de graines par des animaux. Comme lorsqu’un canard s’envole de mare en mare, ses pattes permettent à la vie aquatique qui s’y accroche de coloniser ce nouvel endroit. Des bottes mal lavées et réutilisées peuvent être également un autre moyen de dissémination (ex : un pêcheur changeant d’étang sans laver ses bottes peut transporter différentes espèces animales et végétales), mais on appellera cela de l’anthropochorie, car transportées par l’Homme.
On connaît maintenant quelques exemples d’arrivées de ces organismes, seulement, comment peuvent-ils réapparaître à la suite d’un assèchement total de leur milieu ? Grâce à la diapause.
Plus populaire qu’on ne le croit
La diapause, curieux mécanisme de prédiction des variations environnementales, permet à une large gamme d’êtres vivants de grandement diminuer leurs activités métaboliques afin de survivre à un changement brutal de leur environnement. On la retrouve notamment chez des végétaux et chez les invertébrés : insectes, arachnides ou crustacés, groupe où nous retrouvons nos daphnies. Dans un environnement sain, pour ne parler que d’elles, les daphnies nagent tranquillement et se multiplient par parthénogénèse, c’est-à-dire que les femelles accouchent… de d’individus du même sexe exclusivement, sans avoir été fécondées. Les mâles n’apparaîtront qu’à la venue d’une dégradation des conditions de vie de l’animal. La reproduction cette fois-ci sexuée donnera lieu à des epphipies, œufs résistants impliquant la diapause de l’animal. Ces œufs, très résistants, peuvent survivre au piétinement, au gel (jusqu’à une certaine limite) et à la dessiccation*, directement liée à la disparition de leur milieu, et ce, pendant parfois plusieurs décennies !
D’ailleurs, vous connaissez peut-être des animaux adoptant ce style de vie si particulier. D’autant plus si vous étiez abonné à « Pif Magazine » ou si vous avez acheté le « jeu » de société Triops à vos enfants (ou pour vous, il n’y a aucun âge pour réaliser ces expériences !)
En pleine diapause, les œufs d’artémias ensachés seront destinés à vos expériences de… résurrection.
Ils sont également utilisés en aquaculture ou aquariophilie dans le but de nourrir certaines espèces de poissons.
*Assèchement d’un milieu ou d’un objet.
Une ressource aussi précieuse que temporaire
Ces milieux aquatiques, plus ou moins grands, apparaissant tels des oasis et disparaissant par la suite, abritent une vie microscopique ayant un rôle à jouer dans ces différents écosystèmes. De minuscules flaques aux étangs se forment des réseaux trophiques où l’on trouve à leur base de microscopiques organismes, comme la daphnie ou des diatomées. Aussi, ceux-ci offrent de nombreux autres services vitaux au reste des espèces vivant dans ce même milieu, parfois même protégées.
Prenons une nouvelle fois l’exemple de la daphnie : ses battements d’antennes ininterrompus permettent au milieu d’être oxygéné, de mélanger ses gradients de températures entre la surface et le fond ou encore de disperser les phytoplanctons. Son alimentation a aussi un rôle important car sa grande filtration permet de contrôler les populations de bactéries, de plancton végétal et de garder une bonne transparence de l’eau. Cela offre par la même occasion une meilleure pénétration de l’eau par le soleil, profitant à de multiples organismes et en particulier aux êtres photosynthétiques.
Ces observations-là ne datent pas d’hier, outre le fait qu’elles n’allaient pas aussi loin dans le domaine scientifique, elles se portaient davantage sur des croyances. C’est une anecdote datant du moyen-âge qui nous explique le caractère nutritif de ce qui devait être un bloom de micro-algues rouges nourrissant des animaux :
« Dans une autre ville proche de la cité de Vannes, il y avait un grand étang rempli de poissons, dont l’eau, à la profondeur d’une brasse, se changea en sang. Pendant plusieurs jours il se rassembla autour de cet étang une multitude innombrable de chiens et d’oiseaux qui buvaient ce sang, et le soir s’en retournaient rassasiés. »
Par manque de développement et d’autres éléments scientifiques, on ne peut pas déterminer quelle espèce a pu donner cette teinte rougeâtre ni si cette information n’a été déformé avec le temps. Néanmoins, cette anecdote semble évoquer tout de même un certain apport nutritif pour de nombreux animaux, étrangers des milieux aquatiques ou non. Ne laissons cependant pas notre chien en balade boire dans une mare totalement verte, bleue ou rouge, sait-on jamais…
Vous avez lu l’article en ayant la définition du plancton en tête ? Ces milieux temporaires stagnants peuvent mettre en déroute cette dernière. C’est pourquoi je vous conseille de vous diriger vers cet article mettant le doigt sur les nuances à apporter au terme planctonique :
4 Responses
Très intéressant. Ceci explique ce que je connaissais superficiellement du renouveau de la vie à la première pluie dans les régions désertiques.
Mais quid de la diapose des organismes végétaux aquatiques ?
Bonjour et merci pour votre commentaire! Voilà c’est ce qui en général explique leur apparition, mais je ne me suis pas étalé jusqu’à la flore aquatique que je connais moins, je reste sur mon terrain de jeu 🙂
Bonjour,
Cet article est vraiment très instructif, tout comme l’autre sujet sur l’amibe.
Bravo à toute l’équipe.
Cordialement, Thierry L.
Merci 🙂